Les limites à la croissance
En 1972, une étude du MIT intitulée Limits to Growth et connue sous le nom de Rapport Meadows concluait qu’en continuant à poursuivre la croissance économique, notre société ferait face au milieu du XXIè siècle à un déclin rapide de ses moyens de production industriels et alimentaires, suivi d’un déclin de la population. L’étude fut décriée, remise à jour, à nouveau critiquée. Récemment, Gaya Herrington a revisité les différents scénarios étudiés est parvenue à une conclusion similaire.
4 scénarios sont évalués : BAU (Business As Usual) et une variante BAU2, CT (Comprehensive Technology) et SW (Stabilized World).
Dans le scénario BAU, on continue à ne rien changer, et l’humanité fait face à l’épuisement des resources non-renouvelables et à l’effondrement de la société à partir de 2030.
Il se fait que les resources non-renouvelables, particulièrement les énergies fossiles, sont disponibles plus abondamment qu’initialement estimé. Le scénario BAU2 s’y ajuste et double l’estimation initiale en resources non-renouvelables. Cette fois, c’est la pollution qui finit par causer un effondrement (disponible à partir de 2030 pour la production alimentaire, 2040 pour la production industrielle si je lis correctement les graphiques). La pollution est estimée sur base de la concentration en CO₂ dans l’atmosphère et de la production de plastique. Elle est considérée comme distribuée uniformément. BAU2 est le scénario qui correspond le mieux aux données disponibles.
En 2100, la population retombe au niveau de celle de 1950 avec BAU et BAU2. A noter que les phénomènes d’effondrement décrits ne sont pas instantanés, mais se produisent sur une durée relativement courte. L’autrice utilise les termes collapse et steep decline de manière interchangeable.

Avec CT, on assiste à un déclin plutôt qu’à un effondrement. CT suppose une utilisation des technologies qui ne se vérifie pas historiquement. L’autrice estime d’ailleurs ce scénario hautement optimiste, mais précise qu’on ne peut pas exclure un bon technologique. Quoique je ne détecte aucune conviction dans ce propos. Au contraire, Herrington posait la question comme boutade : "pourquoi inventerions-nous des robots polinisateurs pour remplacer les abeilles plutôt que d’inventer des pratiques agriculturales qui n’ont pas les effets secondaires d’un insecticide?"
SW est le scénario le moins douloureux. Il suppose des changements profonds des valeurs et des priorités de notre société. Un déclin est évité. C’est aussi le scénario qui colle le moins avec les données, encore moins que CT.
Enfin, les différents scénarios divergent fortement à partir de 2020, ce qui suggère une fenêtre étroite pour rectifier le tir.
Mon humble avis
Cette étude date de 2020 mais se retrouve "à la une" seulement récemment.
Les articles liés à l’effondrement sont souvent motivés idéologiquement ou reposent sur des raisonnements simples sans approche scientifique, genre "les resources non-renouvelables s’épuisent, donc on arrivera à leur épuisement, donc la société s’effondrera". Leurs détracteurs à l’inverse balaient tout cela d’un revers de la main ou pinaillent sur la méthodologie et les hypothèses, forcément incomplètes quand il s’agit de prédire l’avenir.
Ce qui a attiré mon attention sur cette étude : elle est disponible sur le site de KPMG, qu’on ne peut pas soupsonner d’idéologie collapsioniste, bien au contraire. Peut-être KPMG pense à se diversifier mais je pense qu’en réalité ils prennent un risque en s’associant à ce que d’aucuns qualifieront de prédiction alarmiste.
A chacun de se préparer ou d’ignorer les signaux d’alerte. Dans le doute, je suggère aux sceptiques d’au moins veiller sur le sujet et d’être réceptifs aux publications scientifiques qui touchent de près ou de loin aux enjeux environnementaux globaux. Le GIEC publiera par exemple le 9 août 2021 la première partie de son 6è rapport. Ce sera sans doute une lecture éclairante et une pierre de plus pour alimenter notre reflexion et améliorer notre compréhension de ce qui nous attend.