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Participation citoyenne à Ottignies-Louvain-la-Neuve

Le billet sur la démocratie publié par la majorité dans le BCO 04/2019 de OLLN est encourageant pour les citoyens. Mais Ecolo avance à reculons, comme hanté par le spectre de la démocratie directe incarné par Kayoux.

Pas la panacée

Au début, j’étais optimiste en lisant ce passage éducatif.

"Différents outils participatifs existent. Passons en revue les principaux, leurs avantages et leurs limites. Une assemblée tirée au sort. Il s’agit de tirer au sort une quarantaine de personnes dans la population. On remarque que ce type d’assemblée est sociologiquement plus représentative et des expériences ont montré que cela peut bien fonctionner pour prendre certaines décisions."

Cool. Cette approche est en phase avec la déclaration de politique faite par la majorité après les élections d’octobre 2018 et elle va dans le bon sens. Mais la phrase qui suit refroidit fortement l’enthousiame.

"Notons qu’une assemblée tirée au sort ne résout absolument pas la question de la participation de tous et régulièrement : on reste dans une délégation du pouvoir à un petit groupe !"

Curieux argument, comme si Ecolo y allait à reculons plutôt que de plonger franchement. En répétant l’opération de tirage au sort fréquemment, sur le plus de sujets possibles, les citoyens deviendraient tour à tour gouvernés et gouvernants. On pourrait parler de "démocratie représentative aléatoire" (D. Van Reybrouck, Contre Les Elections, p. 84). Cette rotation assurerait entre autres une large prise en compte d’une diversisté d’opinions et neutraliserait l’influence personnelle.

Surtout, cette délégation est d’une toute autre nature que celle issue du suffrage, car elle laisse à chacun la chance d’exercer à un moment donné un morceau de pouvoir, sans avoir à convaincre autrui de voter pour soi, dépassant ainsi les limites du système représentatif (conflit d’intérêt à être ré-élu, consignes de vote des partis, désalignement avec le citoyen, politique rebuttante pour la plupart etc).

Donc, en effet, cela ne résout pas la question de la participation régulière de tous. Et alors? C’est déjà terriblement mieux que de concentrer le pouvoir communal entre les mains de quelques personnes (un peu plus de trente si vous êtes optimiste, une demi-douzaine selon moi). Le fait que cela ne soit pas la panacée à notre crise démocratique n’est pas pertinent alors que cela améliorerait déjà sensiblement la situation.

Tout ou rien

Autre bémol de taille :

"Peut-on se passer des représentant·e·s, élu·e·s ou tiré·e·s au sort, en faisant négocier toutes les décisions par l’ensemble des citoyen·ne·s? L’ordre du jour des conseils communaux compte en moyenne une cinquantaine de points tous les mois…​ On perçoit vite que ce système appliqué à la lettre serait totalement inefficace et chronophage."

Attends un peu. Cela ressemble à un faux dilemne. Ce n’est pas parce que plus de participation est demandée ou souhaitable qu’il faut que tout se fasse de la sorte.

Les décisions sur les sujets essentiels à l’avenir de la commune devraient être prises par un grand nombre de personnes, dans un processus à plusieurs étapes. Les points moins importants peuvent être décidés à mon sens en petits comités, car la confiance va dans les deux sens. Mais à condition qu’il y ait des mécanismes équilibrés de contrôle, d’invalidation et de révocation qui font cruellement défaut aujourd’hui.

Plus fondamentalement, le nombre importants de points à traiter lors de chaque conseil communal est une conséquence du système représentatif. Parce qu’il fonctionne sans participation, ou avec une faible participation, il peut se permettre d’enchainer les dossiers sans (trop) demander l’avis du citoyen. On fonce, on avance. C’est privilégier la quantité à d’autres critères, dont justement l’implication du citoyen, qui demande du temps mais est de nature à produire des décisions plus adaptées, mieux acceptées et plus légitimes. Et qui suppose surtout de laisser les commandes aux autres. Dur dur…​

Une fausse voie médiane

"Reste la voie du milieu : soumettre les décisions les plus importantes à l’avis de chacun·e."

Dans l’esprit de la majorité à OLLN, il s’agit de participation consultative, et non pas décisionnelle. Les citoyens ne sont pas aux commandes et leurs "décisions" ne sont, dans le meilleur des cas, que des indications laissées à l’appréciation du pouvoir en place.

Une voie médiane serait plutôt une parité entre citoyens tirés au sort et élus, peut-être dans deux assemblées distinctes, faisant jeu égal dans la prise de décision. Ou bien d’autres formes à expérimenter, ce ne sont pas les idées qui manquent. Même en y allant progressivement.

Se contenter de demander l’avis des citoyens dans des cas limités, c’est de la participation citoyenne d’apparât. Un ersatz de démocratie. Arrêtez d’être frileux, bon sang!

Le spectre de Kayoux et le fatalisme d’Ecolo

Pour ceux parmi vous qui connaissent Kayoux, les références implicites au projet de ce collectif citoyen (dont je fais partie) transpirent du billet d’Ecolo ("élus comme porte-parole" qui est le coeur de projet de Kayoux, et abordé sur 2 paragraphes de leur billet, rien que ça). Même si cela ressemble à une justification ou à une réaction épidermique, je trouve ça amusant.

Comme quoi, les idées de Kayoux commencent à faire leur chemin, à percoler, à chatouiller - ça tombe bien, c’était le but recherché : être un cailloux dans la chaussure des partis traditionnels pour les pousser vers l’avant.

Enfin il y a dans ce billet d’Ecolo une grosse proportion de fatalisme : "…​ ne résout absolument pas la question de …​", "dans le cadre légal actuel…​", "la difficulté liée à la récolte de l’avis de l’ensemble des citoyens", "cela [la consultation populaire] ne permettrait pas au citoyen·ne de négocier"…​

Ah beh ça alors, vous pensiez que cela allait être facile de se défaire de plus d’un siècle de système représentatif bien rôdé, de mauvaises habitudes, pour le remplacer par quelque chose qu’on n’a plus vu depuis l’Antiquité et qu’on devra sans doute fabriquer de toutes pièces (durables)?

Retroussez vos manches. N’ayez pas peur d’expérimenter. Demandez de l’aide dans la salle, vous en obtiendrez. Apprenez à faire confiance et lâchez prise. Vous ne pourrez pas échouer de la sorte.


Réf: Bulletin Communal d’avril 2019, "Pendant 6 ans, entretenir la flamme de la démocratie!", p. 45.